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La Maison de Radio-Canada

La Maison de Radio-Canada à Montréal (PHOTO: Ricky Leong).

Si vous n’étiez pas déjà convaincus que la direction de Radio-Canada se trouve à la dérive, sûrement vous avez changez d’avis depuis le 5 juin.
Qui aurait pensé que trois petites lettres, I-C-I, pouvaient causer autant d’ennuis?
Je n’exaggère pas en déclarant que le Canada entier vient d’être témoin d’une catastrophe de marketing jamais vu en temps moderne.
La direction de la Société Radio-Canada a dépensé plus de 400 000$ pour des consultant à l’externe (en plus du travail à l’interne) pour corriger un problème qui n’existait pas. En fait, c’est la «solution» elle-même qui cause des maux de têtes à la société d’état.
Le mercredi 5 juin, on annonce officiellement que tous les services de Radio-Canada seraient rassemblés sous le nom «Ici».
Le changement sème la confusion et soulève la tollé. Les critiques proviennent de partout : l’auditoire, parlementaires, amis, ennemis, même de la part de ses propres employés.
Jeudi, on clarifie les choses … un peu. La marque «Radio-Canada» ne serait pas rayée de la carte. On nous rassure que la direction est fière du nom «Radio-Canada» et de son héritage. (Par ailleurs, la Société Radio-Canada ne peut changer de nom légalement sans un amendement à la loi fédérale sur la diffusion.)
Dimanche, on attire l’attention des voisins : les nouvelles de la controverse sont publiés dans le cahier B du grand journal américain, The New York Times.
Lundi, la SRC déclare avoir entendu les souhaits du grand public. On s’excuse et on fait semblant d’avoir fait volte-face : la marque «Radio-Canada» demeure partout mais le mot «Ici» ne disparaît pas. Loin de cela, on fera presqu’exactement ce qu’on a voulu faire depuis le début.

Ici Radio-Canada : les nouvelles marques

Nouvelle appellation des chaînes de Radio-Canada. (SOURCE: Radio-Canada)

Où, Radio-Canada? Ici, ailleurs, partout, nulle part
Mais que veut dire «ici», au juste? «Ici», c’est où?
Comme notre diffuseur public est souvent critiqué pour une programmation qui est trop souvent axée sur la grande région de Montréal, une programmation qui ne porte pas assez d’attention aux francophones des régions du Québec et à l’extérieur du Québec, le mot «Ici» est un très mauvais choix.
Et quand on dit «ici», c’est sous-entendu qu’il y a aussi «ailleurs»; qu’il y a «nous» et «les autres». Qu’on le veuille ou non, cela évoque tous les événements turbulents de l’histoire de notre pays.
Question d’image
Tout au long de la controverse, les hauts-dirigeants de Radio-Canada voulaient nous convaincre que la marque commerciale existante de Radio-Canada manquait d’impact.
«Depuis plusieurs années, nous transformons et modernisons CBC/Radio-Canada», déclare la SRC la semaine dernière dans un communiqué de presse.
«Notre univers médiatique change. La prolifération des chaînes spécialisées en télé et la place croissante du web et des applications mobiles exigent une identité de marque simple et cohérente avec un dénominateur commun à toutes les plateformes de Radio-Canada.»
Dites-nous, MM. Lacroix, Lalande et Cie., qui au Canada ne reconnaisait pas le nom Radio-Canada ou son iconique logo?
Qui ne savait pas que Radio-Canada, c’est plus que de la simple radio?
Qui trouvait confondant l’idée que notre diffuseur public existe non seulement à la radio, mais aussi à la télévision et sur Internet?
D’après plusieurs sondages, année après année, la marque commerciale de Radio-Canada se trouve parmi les plus reconnus au pays. (Et les sondages ne disent rien de l’essence ou de l’idée rassembleur de Radio-Canada.)
«Ici» une marque mémorable? Je m’en doute
Encore pire, le mot «ici» est tellement utilisé qu’on ne pourra jamais le monopoliser comme une marque unique à la SRC.
Une nouvelle station de télé éthnique à Montréal portait déjà le non «Ici» — et en passant, Radio-Canada voulait s’en emparer par voie légale. (J’ignore si c’est toujours le cas.)
Un journal hebdomadaire défunt à Montréal portait aussi le nom «Ici».
D’après une recherche vi-vite sur Google, les commerces et organismes suivant s’appellent «Ici» :

  • Un restaurant dite «cuisine nouveau classique» à Toronto.
  • Un vendeur de peintures et d’accessoires à Calgary.
  • Un détaillant d’ordinateurs personnels à Richmond en Colombie-Britannique.
  • L’Institut canadien des ingénieurs.
  • Un institut basé à Washington, D.C., aux États-Unis pour des compagnies d’investissement.
  • Une firme albertaine qui vend de la machinerie servant à l’extraction des sables bitumineux.
  • Une compagnie de la Caroline du Sud qui crée des maisons pré-fabriquées.
  • Et j’en passe.
    En revanche, dites «Radio-Canada» et c’est reconnaissable et compris partout au monde, presqu’instantanément.
    Quelle direction?
    J’ai beaucoup de respect pour mes amis et collègues à Radio-Canada et CBC — journalistes surtout qui travaillent pour les services de nouvelles.
    Je leur souhaite bon courage, car ils exercent leurs tâches pour une direction qui semble avoir perdu le cap.
    Si on était vraiment à l’écoute de ce que voulaient leur auditoire, leurs téléspectateurs et leurs lecteurs — sans oublier les contribuables, qui dépensent un milliard de dollars annuellement pour soutenir CBC/Radio-Canada — on aurait plutôt pris le temps pour trouver des moyens pour améliorer les diverses services de la SRC.
    Un nouveau nom ne fait rien pour étoffer les ressources dans leurs salles de nouvelles.
    Un simple slogan de marketing ne fait rien pour créer des émissions de télévision et de radio de grande qualité, en provenance de partout au pays.
    Une nouvelle marque ne fait rien pour la promotion de la culture.
    Une chaîne de radio/télédiffusion n’est rien sans un contenu qui mérite d’être écouté et regardé.
    Ce sont des leçons qu’on ne devrait pas avoir à enseigner aux dirigeants de notre diffuseur public.